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Réflexions politiques et socio-culturelles françaises.

L'antisémitisme, à nouveau prétexte pour combattre la gauche

Rima Hassan et Guillaume Meurice, respectivement accusés d'apologie du terrorisme et d'antisémitisme.Rima Hassan et Guillaume Meurice, respectivement accusés d'apologie du terrorisme et d'antisémitisme.

Rima Hassan et Guillaume Meurice, respectivement accusés d'apologie du terrorisme et d'antisémitisme.

   La convocation de Rima Hassan, candidate insoumise aux élections européennes et militante pro-palestinienne, et à présent Mathilde Panot, tête de file des députés insoumis, pour apologie du terrorisme constitue une nouvelle étape dans la dérive autoritaire du pouvoir macroniste et de ses adjudants, à commencer par son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Elle témoigne aussi d'une restriction constante de la liberté d'expression, à l'œuvre depuis l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre dernier. Les opposants à la politique d'Israël et surtout à son action militaire quasi-génocidaire dans la bande de Gaza (qu'elle soit volontaire ou non) sont désormais systématiquement accusés d'apologie du terrorisme, de soutien au Hamas ou d'antisémites par les soutiens à Israël, dans la classe politique (principalement les droites) ou les associations sionistes.

  Même ce constat sans appel sous nos yeux pourrait faire l'objet de suspicions tant la machine est en marche pour faire taire celles et ceux qui veulent dénoncer ce qui se passe à Gaza, sans commune mesure avec l'attaque subie le 7 octobre par les Israéliens. Rima Hassan en est la dernière victime, mais c'est loin d'être la seule. On se rappelle de la polémique subie dès le mois d'octobre par Guillaume Meurice, ayant osé se moquer du Premier Ministre israélien, aujourd'hui grandement responsable des morts de dizaines de milliers de Palestiniens à Gaza, en le qualifiant de "nazi sans prépuce". Que cette blague n'ait pas fait rire ses soutiens, ça peut se comprendre, mais de là à vouloir le virer de France Inter, où il "commet" ses chroniques humoristiques, et le condamner pour "incitation à la haine raciale" ou antisémite (accusations venant d'être classées sans suite), on a clairement atteint des sommets de susceptibilité.

  On peut tout d'abord se demander si aujourd'hui en France, on peut encore rire du Juif, de ses rites et de ses caractéristiques culturelles, même en-dessous de la ceinture, sans que cela passe pour de l'antisémitisme, et si finalement se moquer, et donc rire de ces aspects, c'est une forme de haine. Il faudrait alors condamner des films comme Rabbi Jacob ou Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?... Vient ensuite le qualificatif de "nazi" retourné contre ceux dont les aïeuls ont peut-être subi les méfaits. Evidemment on peut douter de sa pertinence, Netanyahu n'étant évidemment pas un nazi, ni d'hier ni d'aujourd'hui, puisque Juif. Le but était davantage de qualifier l'alliance de Netanyahu avec l'extrême-droite israélienne, voire de comparer la situation d'hier pour les Juifs à celle des Palestiniens aujourd'hui, de façon maladroite et impertinente peut-être, mais amenant tout de même à réfléchir. Sauf que pour un certain nombre, la comparaison ne passe pas, même encore aujourd'hui malgré ce qui se passe à Gaza.

  Car si on peut qualifier le Hamas de groupe terroriste et ses actions du 7 octobre comme telles, bien que ce ne soit déjà pas neutre, aussi légitime que cela soit, on peut aussi émettre l'idée qu'Israël commet à son tour un génocide à Gaza en tuant autant de populations civiles. Alors évidemment, des bombardements ne sont pas des chambres à gaz ou des pogroms. Il n'empêche qu'au final, le résultat est le même. Une vie perdue reste une vie, palestinienne ou israélienne. Certains répondront que 30 000 victimes (si les chiffres sont bons), ce n'est pas 6 millions. Mais dans ce cas, 30 000, ce n'est pas non plus 1140, si on veut comparer les chiffres et raisonner en termes d'échelles. Dans ce cas, à partir de combien de morts peut-on qualifier des meurtres de masse de génocide ? Ce qui est sûr, c'est qu'au regard de la population palestinienne, ce qui se passe à Gaza s'en rapproche plus que le massacre du 7 octobre.

  A la lumière de ce constat, on peut à présent réfléchir à la signification de telles attaques juridico-politiques contre des personnalités politiques ou médiatiques de gauche pour "apologie du terrorisme" ou "antisémitisme", accusations au fondement bien hasardeux, mais bien relayées par les médias dont certains éditorialistes ne manquent pas de donner leur opinion bien tranchée sur la question. Faire de Netanyahu une victime d'antisémitisme était déjà ridicule en soi, mais encore plus aujourd'hui quand on voit sa politique guerrière et meurtrière qui n'a rien à envier à Poutine.

  A présent Rima Hassan est presque considérée comme une terroriste pour défendre ses compatriotes contre un Etat qui les tue et veut s'approprier leur territoire en justifiant toute son action par le 7 octobre (comme s'il ne s'était rien passé avant), Elle et Mélenchon sont désormais interdits de conférence dans certaines universités françaises, sous la pression des préfets. Mélenchon a finalement été admis à Sciences Po Paris, la grande école ayant également fait l'objet d'une polémique soi-disant antisémite lorsqu'un collectif pro-palestinien a refusé l'entrée à une étudiante qualifiée de sioniste dans une AG. Son admission pour une conférence ne va pas arranger l'image de l'école qualifiée par certains comme un bastion "islamo-gauchiste"...

  Finalement, ce n'est pas nouveau mais le fait de considérer que cette gauche puisse être antisémite en dit long sur une certaine volonté de la condamner elle ainsi que ses combats. Avant cela, notamment depuis la guerre froide, on la condamnait via le prisme du communisme et ses "100 millions de morts". La gauche française a en effet connu de nombreux Juifs dans son histoire, tel que Léon Blum, et le nazisme fut farouchement anti-communiste en plus d'être antisémite, tandis que la Résistance comptait dans ses rangs de nombreux communistes. Mais aujourd'hui, c'est l'extrême-droite, au parti fondé par d'anciens SS, qui se retrouve à défendre les Juifs de France face à l'antisémitisme supposé de "l'extrême-gauche".

  Cette condamnation permet quelque part de faire, d'une pierre, deux coups, la peau à ceux qui non seulement défendent les Palestiniens et les musulmans de France victimes d'une islamophobie permanente bien plus omniprésente que l'antisémitisme jusque dans les médias, mais aussi la redistribution des richesses dans un monde de plus en plus inégalitaire. L'accusation d'antisémitisme est ainsi très pratique pour les faire taire et les marginaliser moralement et médiatiquement. Cela s'est déjà vu dans le passé, et même à droite ou à l'extrême-droite, certains vont jusqu'à rappeler qu'il y avait la particule "socialiste" dans le nazisme (omettant le terme "national" qui leur sied plus), ou que les communistes ont pu collaborer avec les nazis avant ou au début de la Seconde Guerre mondiale.

  Bref, tout est bon pour condamner la gauche, encore plus de nos jours. Les milliardaires qui dirigent les médias exploitent bien cette faille pour la condamner via leurs chaînes info. Parfois même, certains sont Juifs, comme M.Drahi, ce qui peut expliquer leur orientation éditoriale. Mais même parmi les plus catholiques d'entre eux, l'islamophobie justifie cette orientation, l'antisémitisme pouvant être présent parmi les musulmans solidaires de la cause palestinienne. Ainsi, l'antisionisme et même la critique d'Israël deviennent à présent une forme d'antisémitisme pour les sionistes. De même que les islamophobes ont du mal à faire la différence entre islamistes et musulmans, les sionistes assimilent finalement tous les Juifs à Israël. Critiquer Israël pour eux, c'est donc s'attaquer aux Juifs, même à ceux qui n'y vivent pas, n'ont pas cette nationalité et ne veulent pas y être assimilée. Je pense à ces Juifs qui sont pris en otage par ce conflit sans le vouloir, en France ou ailleurs. Je pense également aux Israéliens qui s'opposent à Netanyahu et veulent la paix. Je suis de leur côté, au cas où ça ne serait pas clair pour ceux qui voudraient me faire passer pour antisémite vu que c'est à la mode.

  L'antisémitisme est aujourd'hui instrumentalisé, je n'ai pas peur de le dire. Il y a toujours des antisémites, là n'est pas la question (et il y en aura peut-être toujours malheureusement). Mais s'en servir seulement pour défendre et justifier la politique d'Israël actuellement, ou invisibiliser ce qui se passe à Gaza, il n'y a rien de plus bas et d'indigne vis à vis de ses victimes. De même que massacrer les Palestiniens est indigne de la part d'un pays issu d'une communauté elle-même victime d'un génocide. C'est quand même triste que l'histoire semble se reproduire à travers ce conflit, que les victimes d'hier deviennent les bourreaux d'aujourd'hui vis à vis d'un autre peuple privé d'Etat, bien que dans une moindre mesure et un certain déni de la part de ses responsables. Une boucherie qui aura sûrement des conséquences sur le long terme, malheureusement.

  En France, il convient de s'interroger sur la focalisation de l'antisémitisme, servant quelque part un agenda politique islamophobe et un agenda médiatique de défense du capitalisme dérégulé pour ses milliardaires propriétaires. Mais surtout sur une volonté d'intimidation et de censure pour tous ceux qui critiquent Israël de façon virulente. Une nouvelle forme de maccarthysme, en quelque sorte. Et finalement un grand renversement du récit réactionnaire s'offusquant de la censure que voudrait leur imposer la gauche, mais qui ne s'émeut pas de celle qu'elle subit, estimant même cela comme un retour de bâton. Comme souvent dans la lutte des classes (ou la lutte droite/gauche), il s'agit avant tout d'un rapport de force et toutes les manipulations sont valables pour l'emporter et défendre les intérêts de certains.

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