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Réflexions politiques et socio-culturelles françaises.

Mondial au Qatar : l'incroyable histoire de la FIFA, liant développement du football mondial et corruption

Sepp Blatter en pleine tourmente en 2015, peu avant sa démission de la présidence de la FIFA.

Sepp Blatter en pleine tourmente en 2015, peu avant sa démission de la présidence de la FIFA.

  Alors que la Coupe du monde au Qatar bat son plein, c'est l'occasion de revenir sur la rocambolesque histoire de la FIFA, fédération mondiale du football (à but non lucratif), devenue en l'espace de quelques temps une organisation mafieuse où les plus grands profiteurs se sont engouffrés pour s'enrichir à foison. Une histoire très bien racontée par la mini-série documentaire de Netflix FIFA : ballon rond et corruption, revenant notamment sur l'attribution plus que douteuse des dernières Coupes du monde (dont l'actuelle au Qatar).

  L'histoire de cette corruption remonte aux années 70. En 1974, la FIFA connaît une élection historique. Après avoir été dirigée depuis sa création (remontant à 1904) par des Européens, la fédération internationale élit pour la première fois à sa tête un homme d'un autre continent, en l'occurrence le Brésilien Joao Havelange. Avec lui va s'opérer un profond changement dans la politique de la FIFA, qui va connaître un développement constant durant les années qui vont suivre et une ouverture sur le reste du monde et les pays en développement. Une initiative louable pour permettre au football de se développer dans les pays du Sud. Contrairement à certains Occidentaux, Havalange va même se déclarer contre l'apartheid en Afrique du Sud. Une prise de position politique forte qui rappelle que sport/foot et politique sont liés depuis longtemps, pour ceux qui aimeraient les dissocier.

  Mais voilà, cette ouverture sur le monde au-delà du continent européen et même sud-américain va s'accompagner de nouvelles pratiques qui vont insidieusement s'installer au sein des instances du football. Havelange va tout d'abord se trouver un homme de main qui va durablement laisser sa marque sur l'organisation pour les quatre décennies qui vont suivre. Le Suisse Sepp Blatter va permettre à celle-ci de se développer par le business, en signant notamment un premier contrat de sponsoring avec Coca Cola. D'autres grandes marques suivront en même temps que la FIFA vendra les droits télé de sa Coupe du monde de plus en plus diffusée à travers le monde.

  La première polémique que rencontrera Havelange à la tête de la FIFA est l'attribution de la Coupe du monde 1978 à l'Argentine, alors en pleine dictature militaire. Une Coupe du monde que gagnera le pays-hôte, qui retrouvera néanmoins la démocratie quelques années plus tard. Havelange aura néanmoins fait cas à part de ce régime alors qu'il a par ailleurs combattu l'apartheid sud-africain. Peut-être une façon de se démarquer des Anglais qui s'étaient présentés contre lui à la tête de la FIFA.

  Deux décennies plus tard, après que Mandela ait mis fin à l'apartheid et pris la tête du pays, Havelange laissera sa place à son bras droit Blatter, qui s'engagera à emmener la Coupe du monde en Afrique. L'Afrique du Sud sera le pays logique pour accueillir cette compétition. Mais son attribution mettra à jour des premiers faits avérés de corruption. Les plus grands corrompus se trouveront à un endroit du globe qui pourtant n'est pas réputé comme le plus grand continent de football : l'Amérique du Nord. En effet, la CONCACAF, confédération comprenant les Etats-Unis, le Canada, le Mexique ainsi que les pays d'Amérique centrale et des Caraïbes, est dirigée depuis 1990 par Jack Warner, un politicien de Trinité-et-Tobago.

  Petit pays au demeurant, mais qui aura une grande influence sur le football continental et mondial via ce politicien et homme d'affaires trinidadien. Avec son adjoint américain Chuck Blazer, dirigeant la fédération des Etats-Unis, il va profiter des nombreuses transactions opérées entre fédérations nationales pour s'enrichir personnellement, et blanchir son argent avec ses fils. Ainsi, il va notamment convaincre la majorité des pays de la CONCACAF de voter pour l'Afrique du Sud pour la Coupe du monde 2010. Pour cela, il fera venir Nelson Mandela (alors affaibli) dans la région et promettre aux pays caraïbéens de toucher de l'argent au nom de la diaspora africaine. Argent fourni par l'Afrique du Sud en échange de leur vote, et qui va au final surtout bénéficier à Jack Warner et d'autres dirigeants continentaux. Les pays n'en auront pas vu la couleur dans tous les cas.

  Autre œuvre de charité voilée que va opérer Warner : la qualification de son pays au Mondial 2006 en Allemagne. Une qualification qui va assurer une prime aux joueurs du pays, pour la plupart non-professionnels donc bien moins fortunés que les joueurs des autres pays jouant dans des grands clubs européens. Une prime dont les joueurs ne verront néanmoins pas la couleur, Warner ayant fait en sorte d'en déduire les frais de déplacement et d'hébergement en Allemagne... Ce qui va profondément irriter les joueurs, qui vont néanmoins être tenus de se taire sous peine d'être blacklistés de la sélection nationale.

  Mais à l'époque, la corruption au sein de la FIFA restera au stade de la rumeur, et Sepp Blatter fera en sorte de l'étouffer comme il faut. Il faudra attendre 2010 et l'attribution des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar (au détriment de l'Angleterre et des Etats-Unis, entre autres) pour qu'on se rende compte qu'il y a quelque chose qui cloche. Si privilégier la Russie à l'Angleterre pouvait faire tilter, c'est surtout l'attribution au Qatar, petit pays de la péninsule arabique en plein désert et à la chaleur insoutenable en été pour un tel tournoi, qui a le plus choqué. Déçus et vexés de s'être faits doubler par un si petit pays ne devant sa grande richesse qu'au gaz naturel, les Etats-Unis (pays pas le plus passionné de foot et ayant donc laissé ses instances tranquilles jusque là) n'ont pas tardé à contre-attaquer.

  Le FBI a ouvert une enquête et découvert petit à petit le réseau mafieux formé par le Comité exécutif de la FIFA, réélisant Sepp Blatter à chaque congrès depuis 1998, ce dernier faisant bien en sorte de rester en place en éliminant ses opposants. Là aussi, les pots de vin sont légions entre les membres du Comité. Blatter lui-même n'a jamais été attrapé la main dans le sac ou dans le pot, expliquant qu'il n'ait jamais été condamné, mais personne n'est dupe. Il a par contre lâché tous ceux qui se faisaient prendre (comme le président de la fédération asiatique, un Qatari) et a assuré à chaque affaire qu'un comité éthique veille à ce que ces pratiques ne se reproduisent plus.

  Finalement, le service de renseignement américain a ciblé et pris sur le fait les dirigeants qui étaient les plus proches d'eux : Chuck Blazer et Jack Warner. Le premier a même lâché le deuxième lorsqu'il a eu les yeux plus gros que le ventre sur les pots de vin en étant pas assez partageur, et Blazer a pleinement coopéré avec le FBI pour faire attraper ses collègues. Jusqu'à ce qu'en 2015, un coup de filet de grande ampleur s'opère jusqu'au siège de la FIFA à Zurich. De nombreux dirigeants ont été arrêtés en emprisonnés depuis pour des faits de corruption. Sepp Blatter y a quant à lui échappé, mais a fait tomber avec lui celui qui était censé le remplacer après sa démission contrainte.

  Cet homme, on le connaît bien ici puisqu'il s'agit de Michel Platini, ancien joueur majeur de l'équipe de France et président de l'UEFA (confédération européenne) de 2007 à 2015. Même si aucun fait de corruption n'a été finalement retenu contre lui (l'objet de son accusation concernait un paiement différé de plusieurs années pour une mission que lui avait confié Blatter au début des années 2000), Platini a été impliqué malgré lui dans l'attribution de la Coupe du monde actuelle. A l'époque, il a en effet été incité par le Président français de l'époque à voter pour le Qatar. Une transaction politique et économique effectuée alors que Nicolas Sarkozy livrait un certain nombre de fleurons français aux investisseurs qataris. A commencer bien sûr par le Paris-Saint-Germain dont Sarkozy est un fervent supporter, club qui va connaître une renaissance et un rayonnement continental et même mondial grâce à cette vente au Qatar qui va faire venir de nombreuses stars du foot (Ibrahimovic, Beckham, Neymar, Messi...) et permettre à Paris de dominer sans partage le foot français.

  Au-delà de la corruption de la FIFA qui a permis d'arriver à cette Coupe du monde et toutes ses conséquences désastreuses au plan environnemental et humanitaire, on voit donc que la France y a joué aussi un rôle loin d'être innocent. Difficile de savoir si la FIFA s'est quant à elle délestée de toute cette corruption et ces pots de vin depuis que le FBI l'a démasquée. Ce qui est sûr, c'est que Gianni Infantino a bien profité de l'éviction de Platini pour se faire élire à la tête de l'organisation mondiale, et est bien installé sur son siège de président comme on peut le voir à chaque match de ce Mondial.

  Au stade où on en est, je n'inciterai aucunement au boycott d'une telle compétition. Le mal est fait pour ainsi dire, et la seule chose à faire est de le dénoncer, car la Coupe du monde a lieu quoique l'on fasse. Chacun est néanmoins libre de faire comme il l'entend pour soulager sa conscience, mais plus que boycotter, l'important est d'informer sur ce qui s'est joué par le passé pour ne pas que cela se reproduise. Et on remarque que cela passe aussi par celles ou ceux que l'on choisit d'élire dans notre pays, puisqu'un président de la République a volontairement appuyé l'attribution de cette Coupe du monde au Qatar. Tout le monde n'est donc pas entièrement innocent dans cette affaire et a une petite part de responsabilité. Et le boycott ne changera rien à cela.

  Comme dit si bien dans la série docu sur Netflix, le foot a un pouvoir non-négligeable aujourd'hui, qui ne doit être pris qu'à la légère. Son développement mondial encouragé par la FIFA se sera accompagné d'une corruption endémique déplorable, mais qui est finalement à l'image du monde, de ses corruptions politiques et ses dictatures. Il convient de savoir à l'avenir comment trouver un juste milieu entre continuer à permettre ce développement en exportant la Coupe du monde sur tous les continents, tout en évitant la corruption et les pays s'apparentant à des dictatures piétinant les droits de l'homme. Mais comment promouvoir ces valeurs éthiques et morales dans un monde qui aime ce sport mais qui ne les partage pas forcément ? Le foot doit-il finalement rester un sport promouvant les valeurs occidentales ? Et donc être un outil politique pour l'Occident ? Ou rester neutre sur toutes ces questions pour continuer à s'ouvrir au monde ? Cruel dilemme.

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