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L'Impertinent

Réflexions politiques et socio-culturelles françaises.

L'extrême-droite mérite-t-elle la démocratie ?

Les partisans de Bolsonaro prenant d'assaut le palais présidentiel à Brasilia, le 8/01/2023.

Les partisans de Bolsonaro prenant d'assaut le palais présidentiel à Brasilia, le 8/01/2023.

  La tentative avortée de putsch des partisans bolsonaristes au Brésil m'interroge de plus en plus concernant cette question : doit-on encore tolérer l'extrême-droite nationaliste dans nos pays démocratiques ? Pour aller plus loin, doit-on laisser des partis anti-démocratiques (se présentant pourtant comme les partis du peuple et donc les plus démocratiques) participer aux élections au risque qu'ils atteignent le pouvoir et ne veuillent plus le rendre ? Parce qu'il faut bien se rendre à l'évidence : l'histoire récente nous a encore montré qu'on ne peut pas faire confiance à l'extrême-droite populiste quand il s'agit de respecter la démocratie et ses institutions dans le pays qu'elle est amenée à gouverner.

  On l'a évidemment vu au Brésil récemment, où des hordes de partisans du président sortant Bolsonaro se sont rués à Brasilia pour exiger le retrait du président élu (Lula) et l'intervention de l'armée si nécessaire... Une horde de rageux incivilisés qui ont par ailleurs tout saccagé à l'intérieur des lieux de pouvoir de la capitale brésilienne, témoignant de leur profond respect pour ses institutions. Une horde de sauvages, en somme (bien plus que les autochtones qui tentent de protéger la forêt amazonienne). Ces gens ne méritent aucune considération finalement, tant ils ne respectent rien.

  On peut faire le parallèle bien sûr avec les partisans trumpistes qui ont tenté début 2021 de prendre d'assaut le Capitole américain pour protester contre l'investiture de Joe Biden. Il s'agit finalement des mêmes enragés qui ont crié au complot suite à la défaite de leur camp aux élections, s'appuyant sur des "preuves" infondées. Faut-il rappeler que les mêmes trouvaient parfaitement normal d'avoir les grands électeurs de leur côté 4 ans auparavant alors qu'Hillary Clinton était majoritaire au suffrage universel direct. Leur système électoral leur convient finalement quand ça les arrange (à noter que Trump n'a jamais été majoritaire lors des deux élections, y compris celle qu'il a perdu), et quand ce système n'est pas en leur faveur, ils hurlent à la tricherie.

  A ce stade, on ne peut que s'interroger sur le danger que représentent des mouvances politiques qui ne croient plus aux institutions de leur pays censées être démocratiques. Alors qu'ils ont précédemment gagné les élections dans les deux cas de figure et que rien n'a été fait pour les empêcher de gouverner (avec tous les désagréments que ça a entraîné au passage, il suffit de voir leur bilan), ils crient au complot car on aurait soi-disant empêché leur champion fascisant d'effectuer un second mandat. A ce stade, il n'y a plus rien de raisonnable chez ces gens, et la seule solution à leurs yeux serait que leur candidat-président vaincu retrouve son poste car ils ne peuvent imaginer une seule seconde que leur "pensée unique" (comme ils aiment mentionner celle de leurs adversaires) et leur parti politique soient minoritaires dans leur pays.

  Que faire dans ces conditions ? Doit-on laisser ce genre d'actions impunies sous prétexte que la démocratie devrait tout tolérer ?... Ou ne devrait-on pas plutôt la protéger d'une partie minoritaire du peuple qui se croit majoritaire et surtout tout permis ? Que ce soit au Brésil, aux Etats-Unis ou même en France, nos institutions politiques ont sans doute encore des progrès à faire en matière de démocratie. Mais de là à croire comme ces partisans extrémistes que nous ne serions plus en démocratie car ils ne sont pas au pouvoir tout en se croyant majoritaires, il y a des limites. Et finalement, ceux qui se disaient les plus fervents démocrates contrairement au système politique en place prouvent le contraire par leurs actions au sortir des élections. Le masque tombe et leur vrai visage se dévoile : celui de fascistes qui se servent de la démocratie pour atteindre le pouvoir, mais sont prêts à la piétiner lorsqu'ils sont sur le point de le perdre.

  Il suffit de reprendre dans l'histoire l'exemple le plus connu (et facile, on va m'attribuer un point Godwin, mais tant pis, je ne débats avec personne de toute façon) pour se rappeler qu'en permettant à n'importe quel extrémiste de se présenter à une élection démocratique, on risque de perdre cette démocratie. A croire que les démocraties n'ont finalement rien retenu des années 30 pour laisser encore des nationalistes et autres néo-nazis se présenter aux élections. On peut espérer que les exemples récents serviront de piqûres de rappel, mais rien n'est assuré, malheureusement...

  Rien que dans l'Union européenne, un pays comme la Hongrie et son président Viktor Orban piétinent la démocratie et la liberté de la presse. D'autres pays comme la Pologne ou l'Italie prennent des virages inquiétants, cette dernière ayant placé une nostalgique de Mussolini à la tête du gouvernement. Mais c'est la démocratie, paraît-il... jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. Au Brésil, Lula a pris sa revanche sur Bolsonaro qui l'avait envoyé en prison pour un scandale de corruption qui était de toute façon endémique au pays bien avant son arrivée au pouvoir. L'ancien président et militaire s'est réfugié en Floride (Etat républicain) jusqu'à ce que l'administration Biden l'expulse, que les autorités brésiliennes le récupèrent et que Lula lui rende la pareille, ce qui ne serait que justice.

  Enfin, inquiétons-nous des Etats-Unis justement, où Trump a déjà lancé sa campagne pour reconquérir le pouvoir en 2024. Suite à sa tentative de coup d'Etat avortée il y a deux ans maintenant, les Démocrates seraient bien avisés de l'écarter juridiquement de la course à la prochaine présidentielle. Car même si les Républicains tentent de l'en écarter depuis sa défaite relative aux élections de mi-mandat, qui ont fait émerger de nouvelles têtes (comme le gouverneur de Floride, tiens tiens...), il conserve une base de partisans très forte qui n'a pas dit son dernier mot et pourrait encore faire basculer la primaire républicaine, comme ça a été le cas en 2016. Les charges sont suffisamment lourdes contre Trump pour l'empêcher de se représenter et de faire de la politique (à défaut de pouvoir l'envoyer en prison), encore faut-il que les Démocrates et l'ensemble des institutions américaines fassent le nécessaire pour se protéger elles-mêmes de lui, quitte à ce que ses partisans crient au complot anti-démocratique (cocasse de leur part). Car s'il revient au pouvoir, ils ne pourront que regretter de ne pas l'avoir fait...

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