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Réflexions politiques et socio-culturelles françaises.

Mélenchon et la stratégie de la tête brulée : troll ou pari gagnant ?

Jean-Luc Mélenchon, futur Premier Ministre (d'après lui).

Jean-Luc Mélenchon, futur Premier Ministre (d'après lui).

  L'élection présidentielle est passée et les législatives approchent. De l'eau a coulé sous les ponts depuis mon dernier constat de l'état de la gauche française, avant le premier tour le 10 avril. Et contre toute attente, la "gauche la plus bête du monde" s'est finalement alliée (sans compter "la Faucille et le Marteau" qui, comme d'habitude, ont fait de la figuration et ont disparu depuis). "Pas trop tôt !", on pourrait dire. "Trop tard" aussi peut-être ?... Dans tous les cas, Mélenchon, fort de ses 22% au premier tour, a réussi l'exploit de rassembler autour de lui (ce que tout le monde pensait impossible avant la présidentielle), et les autres partis de gauche du PS au PC en passant par EELV ont finalement rangé les egos au placard pour espérer exister encore politiquement après leur déroute sous les 5% (synonyme de non-remboursement de leur campagne). Yannick Jadot a disparu, et Anne Hidalgo est retournée à la mairie de Paris qu'elle n'aurait jamais du quitter. Seul Fabien Roussel est encore présent médiatiquement, fort d'un score plutôt honorable pour un Parti communiste qu'il a remis en lumière, et continue un peu de jouer les trublions trouble-fête.

  Un sacré coup de maître pour le leader de la France insoumise qui a surpris toute la classe politico-médiatique. Alors qu'il n'avait pas réussi à concrétiser son bon score de 2017 en donnant une image de mauvais perdant ayant déçu pas mal de ses électeurs, il a cette fois réussi à concrétiser son score encore plus impressionnant cette année malgré son élimination au premier tour, l'imposant comme représentant du troisième bloc politique du pays avec la majorité macroniste et la droite nationaliste toujours incarnée par Marine Le Pen (au dépens d'Eric Zemmour). Une stratégie surprenante, alors qu'on l'annonçait à la retraite en cas de nouvelle défaite. Mais au grand malheur de ses détracteurs et adversaires, il a rebondi dès l'entre-deux-tours, méprisant le nouveau duel Macron/Le Pen annoncé de longue date pour annoncer le "troisième tour" et se présenter "Premier Ministre" ! Une stratégie de comm' défiant les institutions diront certains, mais payante autant médiatiquement que dans l'opinion. Martelant sa "candidature" aussi bien en interview que sur une affiche (pas en tant que député cette fois, mais Premier Ministre, alors que tout le monde sait qu'il n'y a pas d'élection pour cela, le Président devant nommer celui-ci au regard de la composition de l'Assemblée nationale), il s'est déjà présenté comme le leader de l'opposition (en attendant mieux) avant que Marine Le Pen perde à nouveau au second tour.

  Comme s'il n'avait finalement plus rien à perdre, essayant coûte que coûte un dernier moyen d'accéder au pouvoir, la voie présidentielle lui étant désormais définitivement fermée (à moins qu'il se représente en 2027, ce qu'il a balayé avant mais aussi au soir du premier tour en en appelant à sa succession). Et bien qu'on aurait pu considérer cette déclaration comme une dernière tentative mégalo (sans doute à juste titre), elle s'est finalement traduite par cette alliance entre les partis de gauche ayant débouché sur la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES). Après avoir tant reproché à Mélenchon de refuser l'alliance avec les autres partis (qui n'ont pas réussi à s'allier entre eux non plus de toute façon) et d'entraîner la défaite de la gauche, il a par la force des choses contraint ces partis à s'allier derrière (si ce n'est autour de) lui et son Union Populaire. Un coup de maître politique lui donnant finalement raison sur sa stratégie misant sur la loi du plus fort. Il aura fallu attendre son score de 22% pour que cette loi du plus fort l'emporte sur les autres formations de gauche, qui ont ramassé les miettes. A croire que Mélenchon avait ça en tête depuis longtemps...

  Et pourtant, ce n'était pas gagné d'avance. Le divorce entre le PC et LFI semblait consommé, mais n'a finalement pas duré longtemps (bien que le rabibochage semble assez fragile). EELV pouvait compter sur Sandrine Rousseau, candidate malheureuse mais forte de son score à la primaire écologiste, ayant en plus des accointances avec LFI, pour inciter Julien Bayou à les rejoindre. Mais le plus surprenant vient du PS, dont les nouveaux cadres ont réussi à se défaire des vieux éléphants de l'ère Hollande, désormais dissidents ou sur le départ, pour nouer un accord avec son rival voire ennemi historique à gauche. Je saluerai le courage d'Olivier Faure sur ce point, qui a réussi à "regauchiser" enfin ce parti moribond qui était devenu trop proche du centre-droit néolibéral de Macron.

  À quoi peut-on s'attendre désormais ? Avec cette alliance, ce qui est sûr, c'est que la gauche, qu'on déclarait en voie de disparition avant la présidentielle du fait de son émiettement qui la priverait une fois de plus de second tour, redeviendra au moins la première force d'opposition à l'Assemblée, devant la droite traditionnelle et l'extrême-droite. Mais peut-elle espérer mieux ? Si la dynamique se poursuit à la manière de celle de Mélenchon à la présidentielle, tout est possible. La NUPES est sûre d'avoir un candidat au second tour, voire en tête au premier, dans une très grande majorité des circonscriptions du pays. Tout se jouera donc au second tour, et sur la mobilisation ou non des électeurs de chaque sensibilité politique. Si on peut être sûr que les macronistes néolibéraux se mobiliseront pour éviter le "retour du communisme", il faudra compter sur les électeur/ices de gauche, mais aussi les électeur/ices du Rassemblement national si leur candidat.e est éliminé.e au premier tour. On s'inquiétait du report de voix des électeurs de Mélenchon à la présidentielle, on pourrait cette fois s'inquiéter de celui des électeurs de Marine Le Pen ce mois-ci. Leur détestation de Macron sera-t-elle plus forte que leur aversion pour Mélenchon, ou l'inverse ? Ou s'abstiendront-ils, comme c'est souvent le cas pour des élections hors-présidentielle, d'autant plus si le RN est absent ?

  Parlons enfin de la stratégie de Mélenchon sur cette campagne, qui devrait être sa dernière, même s'il ne s'est pas présenté comme député cette fois-ci, contrairement à sa rivale fraichement nommée au poste de Premier Ministre Elisabeth Borne. Le leader insoumis semble être en roue libre, s'auto-persuadant de sa victoire. Une stratégie de comm' qu'il avait déjà lors des précédentes campagnes (ne s'étant déjà pas révélée fructueuse), mais qui semble encore plus assumée cette fois-ci. Y croit-il vraiment ? Ou est-ce une façon de troller la majorité et les médias, pour attirer l'attention sur lui ? Que se passera-t-il si cette prophétie qu'il veut auto-réalisatrice ne se réalise pas ? Etant donné qu'il ne sera plus à l'Assemblée, ce sera la retraite politique pour lui. Il continuera sans doute à soutenir le mouvement, voire à le présider, mais aura sans doute du mal à conserver cette alliance une fois les élections législatives passées et les candidats socialistes, écologistes et communistes élus ou renouvelés... Et s'il réussit, ce sera sans doute le plus grand stratège politique de gauche que ce pays ait connu en ce début de siècle. Mais pour cela, il faudra encore que Macron le nomme Premier Ministre en cas de majorité NUPES... Nous verrons bien alors si cette stratégie de la tête brûlée entamée depuis mi-avril relèvera du génie ou restera au stade du troll ultime.

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